Birmanie : Aung San Suu Kyi sera ministre des Affaires étrangères

[Le Modérateur 64]

Empêchée de se présenter à la présidence, Aung San Suu Kyi fait son entrée au gouvernement au poste de ministre des Affaires étrangères. Elle prendra ses fonctions en même temps que le gouvernement d'ici début avril.

La prix Nobel de la paix Aung San Suu Kyi devrait devenir ministre des Affaires étrangères de la Birmanie, selon une annonce officielle mardi. La liste des futurs ministres établie par le nouveau président élu, Htin Kyaw, a été soumise au Parlement, sans précision de leur poste dans un premier temps. La Dame de Rangoun, âgée de 70 ans, y est la seule femme. Elle prendre ses fonctions entre fin mars et début avril.

«Elle sera ministre des Affaires étrangères», a précisé dans la soirée Zaw Myint Maung, porte-parole de la Ligue nationale pour la démocratie (NLD), suggérant qu'elle aurait un rôle actif dans d'autres ministères et serait de facto aux manettes de tout l'exécutif. Ce poste lui permettrait de représenter son pays sur la scène internationale.

L'annonce confirme la rumeur qui circulait depuis quelques jours et qui annonçait l'ancienne dissidente chef de la diplomatie et précise enfin un peu la façon dont Aung San Suu Kyi envisage de gouverner «au-dessus du président», comme elle l'avait mystérieusement annoncé juste avant la victoire de son parti aux législatives historiques de novembre 2015. Avec son parti désormais majoritaire au Parlement, elle va enfin prendre les rênes du pays, succédant à un gouvernement d'anciens militaires ayant assuré la transition post-junte depuis 2011.

La célèbre figure de l'opposition non violente à la dictature militaire birmane n'avait pourtant pas pu se présenter à la présidence, et ce en vertu d'une Constitution héritée de la junte, qui interdit à un Birman marié à un étranger et ayant des enfants étrangers d'accéder à la magistrature suprême. Or l'ex-mari d'Aung San Suu Kyi, Michael Aris, est de nationalité britannique, et elle a deux fils citoyens du Royaume-Uni. Échouant à convaincre les généraux d'amender la Constitution, la birmane la plus célèbre du monde devra se contenter d'un poste de ministre, même si son parti possède la majorité au Parlement.

Le choix de la Dame de Rangoun de mener les réformes en tant que ministre, plutôt qu'en restant à la tête de son parti, la Ligue nationale pour la démocratie, est une façon d'asseoir sa légitimité de maître d'oeuvre de la politique du gouvernement. «Le gouvernement, c'est là que se font les décisions», d'où cette décision d'«être au coeur du gouvernement», par pragmatisme, analyse auprès de l'AFP Trevor Wilson, universitaire australien et ancien ambassadeur en Birmanie. Si elle avait préféré arbitrer depuis l'extérieur de l'exécutif, «cela aurait rendu la situation difficile, (les ministres) auraient dû aller la consulter pour chaque décision», Aung San Suu Kyi étant réputée pour sa vision extrêmement centralisée du pouvoir.

Htin Hyaw, une doublure choisie pour président

Qu'à cela ne tienne: empêchée d'être présidente, Aung San Suu Kyi a choisi et imposé son candidat. Elle a décidé de placer Htin Hyaw, total inconnu à l'étranger, à la position de président, qu'elle rêvait elle-même d'occuper. Ce dernier, un ami d'enfance, fut son compagnon de route dans la dissidence, écrivain et professeur d'université. Il servit même de chauffeur à la Dame de Rangoun à l'occasion. Choisi pour sa loyauté éprouvée au fil des ans, y compris lors des longues années de résidence surveillée de l'opposante, il assume son rôle de doublure de celle qui a promis d'être «au-dessus du président».

Avec la Constitution d'un gouvernement qui doit enfin entrer en fonction au 1er avril en même temps que le président, le pays va pouvoir tourner la page de décennies de junte, même si les militaires conservent un important rôle politique. Les Birmans, qui ont participé en masse aux législatives du 8 novembre, attendent avec impatience la mise en place d'une nouvelle politique chargée de transformer un pays ruiné par près de 50 ans de dictature militaire. La Ligue nationale pour la démocratie (NLD) a promis de donner la priorité à l'éducation et la santé, domaines dans lesquels la Birmanie est l'un des plus mauvais élèves au niveau mondial en termes de budget.

Mais le gouvernement d'Aung San Suu Kyi hérite du budget 2017 établi par le gouvernement sortant, qui lui laisse peu de marge de manoeuvres dans ces domaines. Priorité a été promise à l'économie, mais sans plan clair pour l'heure, dans cet état où plus d'un tiers de la population vit sous le seuil de pauvreté et où 70% du pays n'a pas l'électricité. Un autre grand chantier sur lequel Aung San Suu Kyi est très attendue: négocier avec les armées rebelles ethniques qui continuent d'affronter les forces gouvernementales.

 

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