La Thaïlande piégée dans le bourbier du surendettement de ses citoyens

[Le Modérateur 64]

Au 3e trimestre de l'année dernière, la dette des ménages a augmenté de 4,2% en glissement annuel pour atteindre 14,35 billions de bt, soit 89,3% du produit intérieur brut (PIB), selon le Conseil de développement économique et social.

 

La plupart des ménages thaïlandais étaient victimes de surendettement avant même la crise COVID-19. Depuis de nombreuses années, le travailleur thaïlandais moyen a du mal à joindre les deux bouts, et est forcé d'emprunter. La pandémie et l'invasion russe de l'Ukraine n'ont fait que creuser le trou un peu plus profondément.

Cette situation désastreuse amène de l'eau au moulin de l'opposition pour attaquer le gouvernement de coalition.

Récemment, le chef du parti Kla, Korn Chatikavanij, a lancé une idée pour se débarrasser de la dette, déclenchant un débat sur Internet. Korn, également ancien ministre des Finances, a promis de travailler avec les banques pour fournir des prêts propres aux micro-entrepreneurs, tels que les vendeurs d'aliments de rue ou les agriculteurs du pays.

Selon le plan de Korn, le prêt de trois ans facturerait un taux d'intérêt aussi bas que 2,75% par an, et chaque emprunteur pourrait obtenir entre 30 000 et 100 000 Bt.La suggestion de Korn intervient juste au moment où son parti se prépare à participer aux élections du conseil municipal de Bangkok prévues en mai et à une éventuelle élection législative anticipée en cas de dissolution. Il a défendu son plan, affirmant que ce n'était pas une idée farfelue et qu'il avait aidé de nombreuses personnes à se désendetter pendant son mandat de ministre des Finances de 2008 à 2011.

D'autres politiciens de l'opposition soulèvent depuis longtemps la question des dettes élevées des ménages, accusant le gouvernement de mal gérer l'économie. Le surendettement sera probablement lors de la campagne électorale si des élections anticipées devaient avoir lieu.

En réponse, le gouvernement a blâmé l'impact du COVID-19, qui a pesé sur l'économie et entraîné un endettement élevé et persistant des ménages.

Pour prouver son engagement, le gouvernement a annoncé que 2022 serait l'année du plan contre le surendettement . Le gouvernement et la Banque de Thaïlande ont demandé aux banques publiques d'aider les petits emprunteurs à restructurer leurs dettes, par en réduisant le taux d'intérêt et en rééchelonnant les remboursements.

Principales causes d'endettement

L'aggravation des inégalités est, selon de nombreux économistes, l'un des principaux facteurs de l'endettement. Ils disent qu'une petite minorité récolte des gains économiques substantiels tandis que la grande majorité est piégée avec un faible revenu et une dette élevée. L'autre raison est une croissance économique plus lente.

Depuis qu'il a fomenté le coup d'État militaire en 2014 , le Premier ministre Prayut Chan-o-cha est accusé d'avoir mal géré l'économie, ce qui a ralenti la croissance.

L'effondrement de l'industrie du tourisme à la suite de la pandémie a touché les agents de voyages, les guides touristiques, le personnel hôtelier et les employés des restaurants, ainsi que les chauffeurs de taxi et de bus. Selon le NESDC, l'emploi dans les services touristiques a chuté de 3,1% en glissement annuel au 4e trimestre de 2021.

La Thaïlande a également souffert de l'érosion de sa compétitivité, le pays faisant face à une forte concurrence de pays émergents comme le Vietnam, qui a très bien réussi à dynamiser ses exportations.

En outre, une société vieillissante affaiblit la consommation et réduit la disponibilité de la main-d'œuvre.

Le prêt hypothécaire en tête de liste

Au 3e trimestre 2021, la plus grande part de la dette des ménages était constituée d'hypothèques, a hauteur de 4,9 billions de baht, suivies de 4 billions pour prêts à la consommation - prêts personnels et cartes de crédit - et 2,7 billions concernent des prêts aux petites entreprises. Les leasings voitures et motos totalisent 1 800 milliards de baht.

Les prêts aux petites entreprises ont le plus augmenté à 7,3% en glissement annuel, suivis d'une hausse de 5,5% des prêts hypothécaires et d'un bond de 4,6% des prêts à la consommation, selon le NESDC.

Aux prises avec des dettes

Les étudiants issus de familles à faible revenu ont largement emprunté de l'argent aux programmes de subventions gouvernementales. Il y a environ 5 millions d'étudiants et leurs garants qui doivent de l'argent au Fonds de prêts aux étudiants. Le gouvernement a récemment chargé le fonds de réduire la pénalité à un maximum de 2% par an en cas de défaut de paiement des nouveaux diplômés.

Paiements.

Mais aider les étudiants et leurs parents à rembourser leur dette est difficile en raison des conditions économiques globalement défavorables.

Selon le NESDC, le taux de chômage parmi les nouveaux diplômés (ceux titulaires d'un baccalauréat et plus) à 3,22% est beaucoup plus élevé que le taux de chômage national global de 1,64% au 4e trimestre 2021. Les entreprises sont rétives quant à l'embauche de travailleurs inexpérimentés.

La dette des enseignants et de la police est un problème chronique. Les riziculteurs sont confrontés à la baisse des prix. Ils sont également touchés par les graves sécheresses et inondations dues au changement climatique.

Plus de prêts pour lutter contre la dette ?

Accorder davantage de prêts à faible taux d'intérêt peut alléger temporairement le fardeau des familles endettées, mais il ne s'agit que d'un refinancement de la dette, a déclaré Teerana Bhongmakapat, de l'Université Chulalongkorn.

Si les agriculteurs continuent d'investir dans la culture du riz, ils n'échapperont pas à l'endettement en raison des faibles perspectives des prix du riz. Il n'est peut-être pas judicieux d'investir dans les services liés au tourisme. Le tourisme a un avenir incertain comparé la période pré-Covid, a-t-il déclaré. Il ajoute que les entreprises vont ralentir leurs investissements en raison des perspectives incertaines pour les économies locales et mondiales.