Le Modérateur Posté(e) April 22, 2017 Signaler Share Posté(e) April 22, 2017 L’Asie dans la campagne : le continent oublié Par Valérie Niquet, Directrice du pôle Asie de la Fondation de la recherche stratégique (FRS), en poste au Japon. — 18 avril 2017 à 17:06 Entre idées reçues et indifférence, l’Asie est presque absente des programmes des candidats à la présidentielle. Dommage, la région concentre le tiers du commerce mondial, l’essentiel de la croissance économique, dont le moindre ralentissement aurait des effets considérables sur le monde entier ainsi que sur la France. L’Asie n’occupe qu’une place très limitée dans la campagne présidentielle, qui reflète il est vrai celle des questions internationales en général. L’éloignement géographique - en dépit du fait que la France soit aussi une puissance du Pacifique - le manque de moyens, l’absence apparente d’urgence stratégique, mesurée à l’aune du Moyen-Orient et du terrorisme, expliquent ce manque d’intérêt. Pourtant, l’Asie représente le tiers du commerce mondial et la croissance de la région, si elle a tendance à se réduire, continue de tirer celle du monde. En cas de brutal ralentissement, notamment en Chine, c’est toute l’économie mondiale, y compris celle de la France, qui en serait affectée. C’est aussi l’Asie qui concentre le plus grand nombre de puissances nucléaires - reconnues ou non - si l’on inclut la Chine, l’Inde, le Pakistan, la Corée du Nord, qui poursuit son programme, et les deux grands acteurs extérieurs que sont la Russie et les Etats-Unis. Enfin, derrière une façade de stabilité, c’est aussi en Asie que de multiples conflits, dans la péninsule coréenne évidemment, mais aussi en mer de Chine, dans le détroit de Taiwan, entre l’Inde et la Chine ou l’Inde et le Pakistan, peuvent entraîner des dérapages dont les conséquences stratégiques globales seraient considérables ; et plus encore pour la France à qui son statut de membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU crée des obligations particulières. Mais, le plus préoccupant, c’est le fait que les quelques mentions de l’Asie que l’on trouve dans les programmes des principaux candidats reposent sur des idées reçues, choisies pour nourrir un discours, en dépit de leur déconnexion avec les évolutions les plus récentes dans la région. Ainsi, François Fillon brandit la menace de la domination inévitable de la monnaie chinoise pour défendre la nécessité d’une Europe unie, alors, qu’en réalité, après quelques effets d’annonce, on assiste à un repli très net du mouvement d’internationalisation du yuan. La tendance à la prolongation des courbes de croissance, croissance économique et des investissements, sans tenir compte d’une réalité plus contrastée, qui commence pourtant à se faire sentir sur l’ensemble du système économique mondial, conduit à privilégier la Chine comme thème quasi exclusif des candidats lorsque l’Asie est mentionnée. La Chine joue un rôle majeur en Asie, mais au moins autant en raison des risques de déstabilisation qu’elle représente que pour le poids qu’elle pèse dans la région, mais cette dimension est peu prise en compte. Chez Emmanuel Macron et François Fillon, on retrouve une même volonté de coopération avec la puissance chinoise, «acteur fondamental», sur les trois thèmes de la sécurité, des échanges commerciaux et de l’environnement, avec des nuances toutefois, entre une volonté de rééquilibrage (Macron) et la mise en place d’un «partenariat stratégique» (Fillon). En même temps, la Chine sert aussi de repoussoir, responsable des délocalisations et de la casse sociale en France. C’est Marine Le Pen qui a le discours le plus élaboré sur ce thème, et sur celui des surcapacités de l’économie chinoise, dans son intervention au Parlement européen en 2016, contre l’attribution du statut d’économie de marché à la Chine. Sur ce sujet, Jean-Luc Mélenchon, lui, est en pleine contradiction, entre un discours violemment hostile à la globalisation - dont la Chine est le premier bénéficiaire comme le rappelait le président, Xi Jinping, à Davos au mois de janvier - et l’adhésion aux orientations anti-atlantistes du régime de Pékin, appelant la France à «s’appuyer sur le leadership chinois». Quant à Benoît Hamon, c’est le seul, dans un programme très modeste sur les enjeux internationaux, qui dénonce la«brutalité de la Chine de Xi Jinping», et mentionne le respect des droits humains. Au-delà de la Chine, qui semble résumer l’ensemble de l’Asie pour les candidats, d’autres partenariats sont parfois évoqués très succinctement. Chez Emmanuel Macron, très clairement, c’est la continuité avec Jean-Yves Le Drian - et l’importance du marché de l’armement en Asie - qui explique la mention bienvenue de l’Inde, qualifiée de «premier partenaire stratégique en Asie», de l’Australie, et des tensions en Asie du Sud-Est. Chez Fillon, en revanche, le tropisme Chine de certains de ses conseillers les plus proches semble lui faire oublier l’importance des autres acteurs régionaux. L’absence d’un grand Etat dans ces programmes - y compris celui de Fillon pourtant décoré par Tokyo en 2013 - est particulièrement préoccupante, c’est celle du Japon. Troisième puissance économique mondiale, premier investisseur asiatique en France, confronté à des défis stratégiques majeurs, le Japon attend beaucoup de la France, puissance globale, et suit de très près la campagne électorale. Pour le moment, cette attente est peu prise en compte par des candidats dont il n’est pas certain qu’ils aient une idée très précise de la réalité des rapports de force en Asie. Valérie Niquet Directrice du pôle Asie de la Fondation de la recherche stratégique (FRS), en poste au Japon. http://www.liberation.fr/debats/2017/04/18/l-asie-dans-la-campagne-le-continent-oublie_1563535 Citer Lien vers le commentaire Partager sur d’autres sites More sharing options...